Les serres brûlées



(Disclaimer : Quelques spoilers en dessous)

Tenté entre le puzzle américain de Under the Silver Lake, et la torpeur apparente de Burning, je me suis laissé séduire finalement par le film coréen.

Burning (버닝), réalisé par LEE Chang-Dong, est encensé de toutes parts.
Comme le laisse penser le trailer, le film est très contemplatif et attention à ne pas se faire avoir par la fausse promesse d'une accélération en fin de BA.
Sans pour autant être ennuyeux ou rébarbatif, malgré ses 2h30, on est clairement pas devant Mission Impossible ou un autre thriller palpitant.
Le film est adapté de la nouvelle Les Granges brûlées (納屋を焼く, Naya o yaku, "Brûler des granges") de MURAKAMI Haruki, qui s'était fait connaître pour Kafka sur le rivage en 2002, ou encore, 1Q84.
La nouvelle fut écrite en 1983, et disponible en français dans un recueil de nouvelles de l'auteur.
Le texte est lui-même lointainement inspirée de L'Incendiaire (Barn Burning) de William Faulkner, datant de 1939.
Il sera d'ailleurs fait référence à Faulkner dans le film en tant qu'auteur préféré du personnage principal Jong-su.

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C'est un jeune homme qui vivote à la capitale avant de devoir rentrer à la ferme familiale à Paju, juste à côté de la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées. 
Sa mère n'a pas donné de nouvelles depuis qu'il est enfant, son père a des ennuis judiciaires...

Il croise en ville Hae-mi, ancienne voisine et camarade d'école qui est attiré par lui.
Il accepte de venir nourrir son chat pendant ses vacances, un voyage en Afrique.

À son retour, elle arrive avec Ben  (interprété par Steven YEUN, le Glenn de Walking Dead) et semble beaucoup l'apprécier.
Pourquoi ne serait-ce pas le cas ? 
Il est jeune, beau, riche, intelligent et amusant, roule en Porsche, fait un travail mystérieux et peut voyager. 
Tout le contraire de Jong-su, qui roule dans le vieux pick-up familial, perdu dans sa petite ferme loin de la capitale et rêvant de devenir écrivain.
Une relation ambiguë s'installe entre les trois personnages qui continuent à se côtoyer.

Un soir, chez Jong-su après un moment de détente, et un petit pétard, Ben dévoile un peu son côté obscur : 
Il s'adonne régulièrement à la pyromanie (des serres abandonnées en plastique ici)...

Le film a donc un rythme très tranquille et réfléchit sur l'absence, la disparition, la mémoire, les souvenirs, l'interprétation de la vérité. Pour Hae-mi, l'important n'est pas de se convaincre que quelque chose est présent, mais d'oublier son absence et de laisser les souvenirs faire le travail...

Là où Burning est le plus angoissant avec sa musique discrète mais étrange, son atmosphère qui ne l'est pas moins, reste plutôt dans son évocation feutrée de l'évaporation, du fait qu'on peut disparaître du jour au lendemain sans que personne ne s'en inquiète, ou quand la jeune fille s'interroge sur la vacuité de la vie moderne.

Il est également subtil quand il nous pousse à nous demander lequel des deux personnages est en fait le plus inquiétant :
Jong-su, qui peine à refréner sa rage, sa frustration, et sa jalousie devant Ben qui a tout et peut lui ravir sa petite amie en un claquement de doigt...
Ou Ben, chez qui on devine sans mal, derrière sa facade de winner parfait, une part d'ombre inquiétante.

Pourtant, rien n'est sûr à 100%, on a quelques indices, mais est-ce suffisant pour établir une certitude ?
Les personnages font leurs choix, au spectateur de décider qui est la victime en fait, rien ne nous sera servi sur un plateau.

Une atmosphère éthérée assez étrange, où la santé mentale des personnages est toujours sur le fil, où la réalité est parfois remise en doute, et où les souvenirs, qui devraient être l'ultime refuge, ne sont en fait pas fiables.


Burning
Réalisé par LEE Chang-Dong
Sortie le 29 août au cinéma
Distribué par Diaphana Distribution




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