Venom, une bavure de plus ?


[Attention spoilers, hein]

C'est le 10 octobre qu'est sorti en France Venom, un film Sony, réalisé par Ruben Fleischer à qui l'on doit Bienvenue à Zombieland en 2009, mais pas grand-chose d'autres de bien notable.
On peut relever aussi plusieurs scénaristes dont Scott Rosenberg (Les Ailes de l'enfer) ou encore Kelly Marcel (50 nuances de Grey), au moins c'est varié, à défaut de réellement inspirer confiance.

Ce film a donc la lourde tâche de relancer le personnage, interprété cette fois par Tom Hardy, aussi bien dans le rôle d'Eddie Brock, journaliste humain, que dans celui de la voix du symbiote alien qui va s'incruster dans le corps d'Eddie pour qu'ils deviennent Venom. 
"Relancer", car si plus de dix ans se sont écoulés depuis Spiderman 3, de Sam Raimi, nombreux sont ceux qui se souviennent encore de son Peter Parker emo et de la manière dont fut traité le personnage du symbiote. Un personnage imposé par Sony et qui fut une des pierres d'achoppement qui incitèrent Raimi à lâcher la licence.

C'est donc reparti, on efface tout, et on recommence avec le personnage apparu pour la première fois en mai 84 pour l'hôte, et en décembre 84 pour le "costume noir", dans le très kitsch Secret Wars. Ce fut le premier cross-over BD de Marvel, très dispensable, si ce n'est qu'au détour d'une page, dans un complexe sur une planète extraterrestre, Spiderman trouve une machine qui lui procure ce qu'il pense être simplement un nouveau costume, noir, se réparant tout seul, et en fait se révélera vivant.




Rien de tout ça ici, le symbiote est bien un alien, ramené de l'espace par une mission spatiale qui se crashe en forêt. 
Bon, même si un des pilotes s'appelle Jameson (potentiel fils de Jonah Jameson bien connu de l'univers de Spidey), mais les références à l'univers Marvel restent toujours de l'ordre du clin d’œil, et on ne sait si dans ce monde, il y a bien des Avengers et autres tisseurs de toiles...
Les organismes sont récupérés par Carlton Drake, interprété par Riz Ahmed, dirigeant de la Life Foundation et caricature d'un grand patron de start-up ElonMusk-like.
Brock perd tout après avoir provoqué Drake, décide d'enquêter sur les activités louches de l'entrepreneur, pour finalement croiser, et fusionner, avec son symbiote, ce qui aura pour effet divers et variés de lui permettre de se régénérer et déclenchera chez lui des appétits étranges.
Comme on peut le voir sur le trailer ci-dessus, le ton se veut plutôt sombre, et c'est là qu'intervient la première malhonnêteté du film, avec son PG13 prudent qui aseptise à peu près tout le long métrage. 
Si Venom est bien inquiétant en menaçant de dévorer quelques organes, on est tout de même dans un film où les symbiotes bouffent des têtes, font des massacres, mais sans la moindre goutte de sang. Rien de trop impressionnant, à la limite une fracture un peu gore, mais proprette, un angle de jambe pas naturel, mais c'est tout.
Même le petit roquet qui aboie sortira indemne de son face-à-face avec le symbiote...

En plus d'avoir laissé espérer un instant, après Logan et avec un personnage pareil, un film sombre, celui-ci ne se contente pas d'être édulcoré, mais il va plus loin en ne choisissant tout simplement pas son registre.
Ce n'est pas un film d'horreur, trop sage et castré pour être un film qui secoue un peu, et le dilemme moral qu'il présente aussi est plutôt basique. Loin de la complexité du personnage d'origine qui se forge un code d'honneur bien à lui, ici, l'humain, fondamentalement un chic type, doit apprendre à gérer un côté ténébreux et la pression d'un alien qui lui parle dans sa tête, et le menace de dévorer son foie s'il ne trouve pas vite de la nourriture.
Hardy semble se réjouir des scènes de comédie un peu pataudes qu'il offre, à se demander comment il envisageait le film lui aussi. Peut-être un film pour pré-ado pas bien méchant, principalement comique ?
(Dans ce cas, on évite de choisir un personnage relativement psychopathe en fait).
Dans une interview qui s'est fait remarquer le comédien insiste aussi sur le fait que ses scènes préférées n'ont pas été gardées dans le final cut, des scènes a priori plutôt de comédie.


Même s'il a précisé par la suite que ces scènes étaient des échanges entre lui et le symbiote. La voix du symbiote étant également interprété par Tom Hardy, (et très convaincante soit dit en passant), il a peut-être aussi poussé le côté gentil garçon de Brock pour accentuer ce contraste, mais qui du coup donne un personnage gentil fade et peu intéressant, sans oublier des motivations pas très claires.

Dans le comics, Brock et le symbiote sont tous deux unis par une haine farouche de Spiderman, mais en l'absence du Tisseur, des Fantastic Four ou tout autre héros, Venom est un peu solitaire ici et ne peut s'appuyer sur ce ressort.
De plus, à l'origine Brock souffre d'un cancer, le symbiote le soigne de sa maladie, source de nourriture infinie pour l'alien.
La tendance est inversée ici, car c'est le symbiote qui menace de dévorer de l'intérieur l'humain s'il ne fait pas gaffe.
Sans compter les motivations, et l'origin story, peu convaincantes de l'extraterrestre qui, par une sorte de contamination mentale, tombe amoureux de la ville, presque de l'humanité, et de l'ancienne copine de son hôte.

Film d'action parfois brouillon, blockbuster aux CG parfois pas très jolis, film sombre trop propre, Venom possède quelques idées sympa, comme la voix du symbiote, un transfert temporaire sur un corps féminin plutôt réussi, ou quelques punchline bien assénées.
C'est aussi, des acteurs qui regardent dans le vide sans croiser le regard d'un supposé alter-ego en CG, quelques faux raccords assez criants, et des coupures que l'on sent bien (par exemple dans la baston finale)...

La critique générale du film sur Rotten Tomatoes résume bien le tout en disant  que le film est "chaotique, bruyant, et a besoin désespérément d'être relié avec Spiderman."
Le rythme du film est plutôt mou en général, malgré l'absence de générique de début qui veut nous plonger directement dans le cœur trépidant de la ville...
L'exposition se met en place longuement, et ce qui doit arriver finit par arriver une fois que tout est mis en place.

Mais en fait, en découvrant la petite surprise de la fin, ce manque de rythme n'en est que plus criant.
En guise de scène post générique (bon, en fait, la seconde scène, d'accord), le spectateur patient et qui n'essaie pas de sortir de la salle dans le noir en se viandant au passage sur les marches, a droit à une petite preview du film Into the Spider-verse de quelques minutes.

On y découvre son animation saccadée étrange, mais cette courte scène explose le film que l'on vient de voir pendant près de deux heures.

Même le premier épilogue qui aurait dû être très enthousiasmant vu le personnage qu'il présente tombe un peu à plat. La performance de Woody Harrelson, super acteur pourtant, est peu convaincante et clownesque dans le rôle de Cletus Kasady, futur Carnage. Peut-être est ce la perruque rousse ?

En faisant le bilan, on obtient donc un film peu inspiré, pas le pire dans son genre, mais un film calibré pour préado rehaussé de quelques moments sympa, mais sans plus.

Malgré les scènes post-génériques, malgré le caméo contractuel de Stan Lee, on est devant un film Sony, pas un film Marvel.
Oui, Sony, vous savez, ceux qui ont déjà tué deux fois Spiderman ? Celui de Raimi, et le Amazing, interprété par Andrew Garfield.

À croire qu'ils ne savent pas quoi faire de leurs héros.
À tel point qu'ils ont laissé les rênes pour Spiderman au MCU, eux se contentant de gérer le côté financier du deal, laissant les produits dérivés à Marvel en échange.
Vu que le film a très bien démarré aux US et en France, malgré les critiques maussades, il n'est pas impossible de voir éclore dans quelques temps une suite avec les exactions de Carnage.
Mais si c'est pour mettre en scène un psychopathe dont la cruauté et la violence surpasse celle de Venom en l'expurgeant de la moindre goutte de sang et de profondeur, à quoi bon ?
Ou alors, on peut attendre dans quelques années un autre reboot réintégré parmi ses petits camarades du MCU ?
Tout cela étant suspendu au deal Sony-Disney sur l'utilisation de ces personnages qui pourrait être étendu ou non-renouvelé...

Bon, je vais plutôt aller voir Upgrade, sortie le 3 octobre, qui a l'air d'avoir un peu plus de niaque, et traitant aussi d'un mec qui est pas tout seul dans sa tête, ni dans son corps...



Venom
Réalisé par Ruben Fleischer
Avec Tom Hardy, Riz Ahmed
Sortie le 10 octobre 2018
Durée : 112 minutes

Produit par Columbia, Marvel, Tencent Pictures, Arad Productions, Matt Tolmach Productions, Pascal Pictures.
Distribué par Sony Pictures
© 2018 Sony Pictures Digital Productions Inc. All Rights Reserved.




Commentaires

Articles les plus consultés