Traduire, c’est trahir.




En 2013, l’éditeur Mondadori fait traduire le nouveau roman de Dan Brown, Inferno, dans un bunker pour éviter toute fuite du manuscrit.
Un des traducteurs français raconte son expérience ici.

Partant de cette anecdote déjà bien piquante, le réalisateur Régis Roinsard s’amuse à faire un film à suspense style Usual Suspects.


Sa mission, rendre sexy un huis clos où neuf personnes sont enfermées pendant deux mois pour taper sur un clavier, aux prises avec un Lambert Wilson parano, pervers et avide de pouvoir, prêt à tout pour protéger son texte et son mystérieux auteur.



On peut retrouver en outre à la distribution, Sidse Babett Knudsen vue notamment en cadre bien horrible, rongée par le stress, dans Westworld.


Anecdote amusante, elle est apparue dans l’adaptation cinématographique du dit Inferno.


Eduardo Noriega est le traducteur espagnol bègue, honteusement sous-exploité.


Et Alex Lawther, le petit jeune interprétant Alan Turing ado dans Imitation Game, qu’on a pu voir aussi dans The End of the F***ing World, ou encore jouant l’ado dont la vie est ruinée quand il a le malheur de se faire pirater, alors qu’il se caresse sur une vidéo qu’il n’aurait pas dû regarder, dans un des épisodes les plus glaçants de Black Mirror.


Évidemment, pour que le suspense prenne, rapidement, on apprend que les premières pages ont fuité et que le hacker fait chanter l’odieux éditeur, ce qui ne va pas aider à la bonne ambiance dans le bunker.
Les acteurs qui viennent chacun d’horizons divers, et de nationalités différentes, sont tous très bons.
Lambert Wilson est parfait dans son rôle de tyran, si ce n’est à la fin du film, en roue libre, où il en fait un peu trop des caisses.
Le film n’évite pas parfois les grosses ficelles et quelques traits caricaturaux pour forcer un peu le cadre dramatique.
Perso, un client me dit la moitié de ce que l’éditeur dit aux traducteurs, ou à Sarah Girardeau, ici larbine, souffre-douleur de service, et il y a bien longtemps que je ne travaillerais plus avec ces personnes.


Un point qui m’intriguait était de savoir comment le film allait traiter l’aspect multiculturel et polyglotte par nature de son histoire.
C’est le français ici qui fait donc office littéralement de lingua franca, chaque acteur parlant un français vraiment pas dégueu, un effort à saluer.
Parfois les traducteurs se permettent une réplique dans leur langue maternelle, dont une scène clé du film qui part dans tous les sens linguistiquement parlant et qui est très chouette de ce point de vue-là, les dialogues étant alors sous-titrés.
Ne se leurrons pas, de toute évidence, dans ce genre de cas, ce serait plutôt l’anglais qui servirait à communiquer.


Quelques points sont bien vus sur l’activité de la traduction, comme le fait que ce n’est pas une activité machinale, que chacun peut avoir un rapport différent au texte, que découvrir le texte au fur et à mesure peut jouer des tours…
Les réflexions sur le fait d’être un auteur peuvent faire écho à l’actualité sur le statut d’auteur justement.

En réalité, si les traducteurs de Dan Brown ont bien passé deux mois à traduire leur roman dans leur bunker, chaque équipe était composée en fait de trois personnes en gros, deux traducteurs et un éditeur…


En tant que film à suspense, Les Traducteurs arrivent à parfois ménager ses effets, avec des twists prévisibles et d’autres moins.

En effet, commencer son film avec quelques plans supposément énigmatiques, c’est toujours dangereux, car cela peut vendre la mèche plus tôt que prévu, et il faut vraiment être très sûr de soi pour balader le spectateur et attirer son attention là où on veut qu’elle soit.
À ce niveau, le film n’est pas toujours aussi malin qu’il voudrait l’être, mais arrive à surprendre sur d’autres points.
Il en ressort donc un film de genre français plutôt agréable, mettant en lumière une profession souvent discrète.

Les Traducteurs
Réalisé par Régis Roinsard
En salles depuis le 29 janvier 2020


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