Shingeki no kyojin : Le titan qui attaque

 

Avertissement : Explications/spoilers sur le milieu de l’histoire etc.

 

C’est aujourd’hui que s’achève LAttaque des Titans un peu partout dans le monde, si on ne tient pas compte du décalage horaire, etc.

ISAYAMA Hajime vient donc de mettre un point final à son histoire commencée il y a plus de 11 ans et demi dans les pages du magazine mensuel Bessatsu Shōnen Magazine publié par Kōdansha.

Pour ma part, j’ai découvert pour la première fois le manga fin mai 2013, à l’occasion de quelques jours au Japon. Cela faisait un an que j’avais intégré Nolife à temps plein, et j’étais parti couvrir le dernier concert de TANAKA Reina au sein des Morning Musume

Lors d’un passage dans un magasin Village Vanguard (probablement celui d’Ikebukuro ? Ou celui de Shibuya ?), deux titres étaient particulièrement mis en avant : 

Ajin, de MIURA Tsuina et SAKURAI Gamon, et Shingeki no kyojin.

Les deux volumes se détachaient avec des couvertures intrigantes à leur manière, et deux créatures mystérieuses, dont un écorché vif qu’on aurait pu croire sorti de Hellraiser ou tout autre film d’horreur.

Si Ajin en était à peine à son premier tome, Shingeki no kyojin, lui, possédait déjà une certaine expérience, à sa troisième année de parution, et son dixième volume. Je suis reparti du magasin avec le premier Ajin et deux volumes du manga d’ISAYAMA. L’anime venait de débuter, et les titans s’apprêtaient à déferler sur le monde entier dans les mois à venir.

Wakanim proposa l’anime en simulcast tandis que le manga s’est invité en tant que grosse nouveauté de Pika pendant Japan Expo durant l’été suivant. Le titre français alors adopté (et adapté) fut : L'Attaque des Titans.

En japonais, c’est donc Shingeki no kyojin, 進撃の巨人, composé de shingeki 進撃, l’assaut/l’attaque et de kyojin, 巨人, le géant/le titan, deux mots coordonnés par la particule no, , un marqueur possessif entre deux noms, en général. (Je simplifie.)

C’est une des premières particules qu’on apprend en japonais et son fonctionnement reste assez simple. Il suffit d’appliquer la règle logique, inverse du celle du français : 

Le premier terme est le déterminant et le second est le déterminé.

En japonais, même si c’est contre-intuitif, c’est bien le Titan qui est qualifié. Il est shingeki. Un réflexe pourrait être de vouloir traduire les deux noms tels quels : Le Titan de l'Attaque. Ce qui peut laisser perplexe. C'est un peu malheureux comme traduction, mais c'est bien ce qui est dit. Le Titan attaque. Il assaille ses ennemis, il agresse, c’est le titan « qui » attaque. Durant les premiers chapitres, on ne sait pas de quel titan il est question, et on ne le saura pas avant un moment (environ quatre ans à partir du début de la publication française, mais on va y revenir). L’ambiguïté du japonais pourrait même laisser supposer qu’on peut parler de plusieurs titans. S’agit-il du Titan colossal que l’on découvre en première de couverture ? Mystère à ce moment.

Les tomes japonais sont également flanqués d’un titre anglais sibyllin : 

Attack on Titan.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’on attaque Titan ?

Est-ce un cri ? Faudrait-il attaquer le titan ?

Ou serait-ce l’attaque sur les Titans ?

En fait, pour comprendre cet anglais un brin hasardeux, il faut lire Attack OnTitan, comme si c’était Aggressive Titan par exemple.

La série aurait ainsi dû s’appeler Le Titan assaillant.

Mais L’Attaque des Titans, c’est plus immédiat, plus accrocheur, quand bien même fait-il perdre ce côté mystérieux et déstabilisant du titre, même en japonais.

L’auteur ne l’explique d’ailleurs qu’aux deux tiers de son récit. Plus précisément à la page 95 du tome 22, clôturant le chapitre 88, paru en avril 2017. Passage adapté en anime durant l’avant-dernier épisode de la saison 3, le n°21, ou 58 dans la numérotation générale, diffusé fin juin 2019.

Il s’agit d’un point pivot du récit. Les enjeux du début de la série ont été résolus :

Qu’y a-t-il dans la cave de la maison d’Eren ? Comment ce dernier a-t-il hérité de son pouvoir ? Qu’y a-t-il à l’extérieur des murs ?

La perspective jusqu’alors « confinée » du récit bascule et prend plus d’ampleur pour dévoiler la totalité de son monde.

La révélation arrive à la fin d’un long flashback nous racontant l’histoire du père d’Eren, quasiment en point d’orgue du 22e volume et de la fin de saison 3, pile avant la coupure de milieu d’épisode.

Le Titan d’Eren est un des titans « spéciaux » de ce monde comme le Titan cuirassé, yoroi no kyojin, 鎧の巨人, ou le Titan féminin, megata no kyojin, 女型の巨人. Le pouvoir d’Eren, c’est d’attaquer, c’est le Titan assaillant, shingeki no kyojin.

Là, où en japonais, le nom de la série est finalement prononcé dans son univers par les protagonistes, en français, il n’y a que le nom : 

« le Titan assaillant ».

Cela s’avère beaucoup moins méta, et beaucoup moins intense pour une révélation que l’auteur avait mise en place plus de sept ans auparavant dès la première de couverture du premier volume.

Le lectorat comprend enfin pourquoi la série s’appelle ainsi, et toute la logique qui en découle.

 

Aurait-il fallu tordre l’adaptation pour faire marcher l’effet en français avec l’Attaque des Titans ?

Cela pose une autre question : fallait-il donner la priorité au fond, rester fidèle au texte, ou à l’effet voulu dans cette scène ?

Vu les contraintes, aussi bien dans l’anime que dans le manga, dues à la mise en scène, cela aurait été probablement compliqué, si ce n’est artificiel de s'aventurer à trop adapter.

En guise de réflexion, on peut constater que l’équipe de sous-titrage de la série The Stand, tirée du livre de Stephen King connu en France sous le nom Le Fléau, va dans cette dernière direction.

Durant une grande tirade invoquant la lutte du bien contre le mal, la traductrice choisit de faire dire : « Il faut combattre ce Fléau. »

La réplique préfère jouer sur la référence française et ne contient pas l'idée de prendre parti, ou de prendre position en s'écartant de la version originale :

« You have to make a stand ».

 

Par un retournement de scénario amusant qui n’avait pu être prévu par personne en début de parution en 2013, le titre français LAttaque des Titans revêt désormais une tout autre saveur. La fin de l’histoire rend en effet ce titre tout à fait pertinent, même si loin du désir originel de l’auteur.


Emmanuel Pettini

Disponible chez @anime en physique, et streaming chez Wakanim et Netflix.

Copyrights :

© Hajime Isayama, Kodansha/ "ATTACK ON TITAN" Production Comittee. All Rights reserved.

 

Manga disponible en français chez Pika Éditions



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